
Pour cette nouvelle interview, Jeunes & Libres vous propose de découvrir David Weytsman. Ce dernier fait partie des jeunes figures du Mouvement Réformateur qui montent et qui investissent des lieux et des thématiques qui sont parfois un peu oubliés par le parti libéral francophone.
Jeunes & Libres : Quel bilan tirez-vous de la législature bruxelloise (Région bruxelloise, NDLR) actuelle ?
David Weytsman : Je constate qu’il y a clairement une augmentation de la pauvreté. Durant les vingt dernières années, c’est-à-dire vingt ans d’opposition pour le Mouvement Réformateur à la Région bruxelloise, 40% des Bruxellois ont basculé dans la pauvreté ou se sont rapprochés du seuil de pauvreté. Malgré cette augmentation drastique, on constate que toutes les politiques qui ont été développées par la gauche au pouvoir depuis plus de vingt ans sont complètement dysfonctionnelles.
Il existe d’autre part une grosse problématique liée à l’emploi. Le taux de chômage est de l’ordre de 15%, et même 25% pour la tranche d’âge des 15-25 ans. C’est mauvais, alors que presque tous les pays européens ont connu ou connaissent une période de croissance. Pourquoi la Région bruxelloise n’en a-t-elle pas profité ? Aujourd’hui, on compte vingt-cinq mille postes vacants de cent métiers en pénurie.
Je pointe aussi la problématique de la sécurité. La couverture médiatique est terrible pour la Région bruxelloise. La presse internationale dépeint Bruxelles comme la capitale européenne de l’insécurité ! Depuis des années, nous alertons sur la situation. Il existe évidemment des problèmes de sécurité sur les trois grandes gares ferroviaires, comme la presse l’a rapporté récemment, mais aussi dans des quartiers comme Laeken. Dans le nord de Bruxelles, le trafic de drogue est vraiment préoccupant. J’ai été le premier à parler du narcoterrorisme à l’époque. Tout le monde riait. Le Ministre-Président disait qu’il n’y avait pas de problème de sécurité particulier à Bruxelles… Enfin, il y a aussi un problème lié à la mobilité. La mésentente (au sein de la majorité, NDLR) est là. Ils ont voulu imposer beaucoup de choses en opposant les Bruxellois.
Pour résoudre tous ces problèmes, il faut parler du “nerf de la guerre” : les finances et le budget. Or la Région bruxelloise est quasi en faillite… Le budget et son rééquilibrage seront les priorités de la future législature. Il faudra passer en revue les dépenses, les gabegies et très certainement les recettes, auxquelles nous serons particulièrement attentifs afin que cela ne serve pas de prétexte à des augmentations d’impôts. L’augmentation des recettes passera par un boost de l’activité économique, en augmentant le taux d’emploi, en encourageant l’entrepreneuriat, en soutenant les commerces… Tout cela participe évidemment aux finances bruxelloises.
J&L : Parmi toutes ces thématiques, y en a-t-une qui est vraiment prioritaire pour le MR de la Région Bruxelloise ?
D. W. : La plus abstraite, celle qui nous touche moins dans notre vie quotidienne : l’équilibre budgétaire. Nous devons retrouver une région financièrement saine.
Une thématique qui touche beaucoup les Bruxelloises et les Bruxellois est l’accès au logement, davantage qu’en Région flamande et en Région wallonne. C’est difficile d’accéder soit au logement locatif soit, et ça l’est encore plus, à la propriété. Nous pouvons constater que toutes les politiques menées à Bruxelles ont été des échecs. Il n’y a pas beaucoup de construction de nouveaux logements et on assiste à une explosion des prix. Cela a un vrai impact sur le pouvoir d’achat des Bruxelloises, des Bruxellois et en particulier chez les jeunes.

J&L : Quand le MR compte-t-il lancer sa campagne à Bruxelles ? Ou est-il déjà en campagne ?
D. W. : Que ce soit au niveau régional ou au niveau communal, avec David Leisterh (député régional bruxellois et président du MR Bruxelles, NDLR), nous sommes toujours en campagne. Depuis que j’ai été élu pour la première fois, en 2012, j’ai toujours fait du porte-à-porte, des visites guidées, des rencontres, en organisant des apéros, etc. David Leisterh a démultiplié cette façon de faire dans toutes les communes bruxelloises. C’est de cette façon que nous allons gagner, en occupant tout le temps le terrain. Nous avons déjà la conviction et la volonté d’aller rencontrer tout le monde dans tous les quartiers, de lancer des idées, faire des propositions.
Nous allons, bien entendu, arriver à un moment où l’on va effectivement rentrer dans une phase de de campagne qui se déclinera au niveau national. Tous les membres du Mouvement Réformateur ont été informés du slogan (« Travailler l’avenir », NDLR) de campagne dévoilé par Georges-Louis Bouchez, lors des universités d’été du parti mi-septembre.
De plus, nous sommes de loin le premier parti au Parlement de la Région bruxelloise à faire, et ce régulièrement, le plus de propositions et de constats, constats qui sont largement partagés.
J&L : Quelle place auront les jeunes durant la campagne ?
D. W. : Les jeunes doivent vraiment être au cœur de cette campagne parce que la Région bruxelloise est de loin la région la plus jeune du pays. La moyenne d’âge y est de trente-six ans, alors que celle des autres régions compte quatre ou cinq ans de plus. Les jeunes sont d’autre part généralement plus exposés aux difficultés d’aujourd’hui : chômage élevé, difficulté d’accès aux logements, etc.
Ainsi, nous devons essayer de convaincre les jeunes de deux choses. D’une part, qu’on ne peut pas atteindre les objectifs climatiques si on n’arrive pas à les coupler aux enjeux socio-économiques. Dans les deux cas, nous nous devons d’être ambitieux. Dans les deux cas, nous devons nous présenter avec de vraies propositions. Regardez ce que nous avons pu obtenir ces derniers mois, sur les enjeux climatiques, sur le nucléaire… Je rappelle qu’on voulait se passer complètement du nucléaire. On se rend compte à quel point aujourd’hui c’est utile pour la production d’électricité, que c’est peu cher comparé au gaz, que cela permet de tendre vers les objectifs du CO2 qui sont des priorités absolues pour nous. Cela permet aussi de faire baisser une partie des prix de l’énergie ou, à tout le moins, de ne pas tendre vers les augmentations qui étaient prévues et qu’on a connues il y a peu de temps. Nous devons pouvoir faire la démonstration que nous avons été crédibles sur le sujet.
Il faut que nous exprimions cette avancée pour que les jeunes comprennent que la décroissance économique que nous proposent les écologistes et une partie du parti socialiste nous fait aller droit dans le mur. Il nous faut, au contraire, une croissance économique soutenue, durable et intelligente.
La deuxième chose dont il faut convaincre les jeunes, c’est que les extrémismes, de gauche ou de droite, sont de vrais freins aux libertés individuelles et à notre démocratie. Je suis très inquiet du positionnement du PS et des écolos qui semblent plutôt acquis à l’idée – en tout cas ils le disent comme ça, probablement par position politique – de faire des majorités avec le PTB… avec des communistes !
Dans quels pays les communistes ont-ils gouverné ? Cela a-t-il été positif pour les libertés individuelles ? Les communistes présents au Parlement bruxellois sont pour la nationalisation d’une grande partie de la production, ou même des grandes entreprises. Ils combattent systématiquement toutes les grandes entreprises dans les débats que nous avons. Le PTB soutient des pays qui sont tous totalitaires et ils le reconnaissent. L’ennemi principal des libéraux est le PTB. Avec les écolos, les engagés, le PS, etc., on peut faire des accords, on peut négocier. Avec le PTB, c’est impossible. Or, il est indéniable qu’ils exercent une certaine attirance sur une partie de la jeunesse. Leurs mouvements de jeunesse sont assez actifs, que ce soit sur des campus ou dans certains combats politiques qu’ils mènent…
J&L : Où en est la Région bruxelloise en matière de politique jeunesse ?
D. W : Nulle part… Les décideurs politiques actuels sont les rois pour donner des ballons de football et subsidier des associations qui, dans l’ensemble, font du bon boulot. Mais c’est tout. Ils ne proposent rien de concret concernant les problématiques principales, que ce soit sur l’enseignement, sur la formation, sur l’emploi, sur la lutte contre la pauvreté qui expose aussi une partie de nos jeunes. Les chiffres, comme je l’ai dit précédemment, sont très mauvais par rapport aux autres pays européens. Si Bruxelles était un pays, nous serions probablement en queue de peloton des pays européens.
J&L : Estimez-vous qu’il y a une spécificité chez la jeunesse bruxelloise, hormis le fait qu’elle est proportionnellement plus nombreuse que dans les autres régions du pays ?
D. W. : Je pense que cette jeunesse est propre à Bruxelles, provenant de la diversité, ce qui est un super atout. Nous sommes en plus en présence d’une jeunesse qui a la chance d’aller dans des écoles, soit néerlandophones, soit francophones, et de parler une autre langue à la maison, donc ça les expose à un multilinguisme. Cette jeunesse a aussi envie d’entreprendre et elle est très active dans les associations.

J&L : Parmi toutes les propositions et projets MR de cette législature, y en a-t-il un en particulier qui concerne la jeunesse et que vous voudriez présenter ?
D. W. : En tant que vice-président de la Commission mobilité du Parlement de la Région bruxelloise, une de nos propositions a été votée à l’unanimité en 2019 et elle concerne le harcèlement dans les transports en commun. 95% des femmes de quinze à vingt-quatre ans ont déjà subi des formes de harcèlement sexiste dans l’espace public. Chose assez rare, cette proposition a été cosignée par la majorité et par l’opposition et elle a été reprise dans l’accord du gouvernement quand il a été formé, sans nous malheureusement, en 2019.
Malheureusement, j’en ai fait une évaluation très régulièrement et les chiffres sont encore plus mauvais… La proposition n’a pas été complètement reprise.
J&L : Vous avez visité récemment les locaux d’O’YES à Forest, un des principaux acteurs dans le domaine de l’éducation et de la promotion à la santé chez les jeunes. Qu’avez-vous retiré de cette visite?
D. W. : O’YES et les autres associations travaillant sur la prévention de la santé sont très utiles. Évidemment, j’interviens beaucoup au Parlement bruxellois avec ma casquette “santé”, notamment sur la question de la santé des jeunes (David Weytsman est président de la Commission des Affaires sociales, de la famille et de la Santé, NDLR). Nous avons besoin d’acteurs comme eux sur le terrain, dans les écoles, les campus, les festivals, etc. Il faut évidemment continuer à parler du dépistage et de l’utilité de de la prévention. Je suis fier qu’ils fassent partie des organisations de jeunesse fédérées chez Jeunes & Libres.
J&L : Concernant l’EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle), quel est votre position au sujet de sa généralisation dans l’Enseignement obligatoire ?
D. W. : J’ai toujours milité pour que ces formations puissent être davantage intégrées dans des cours, dès les premières années du primaire. Je pense que c’est très important que les enfants puissent d’abord parler de choses dont ils n’osent pas parler à la maison, puis parler de leurs émotions, du consentement, de leur corps… Les formations partent des besoins des jeunes et à chaque âge, les enfants ont besoin de comprendre ce qui est en train de se passer et à chaque âge, quand on vit en collectivité, on doit aussi comprendre les limites à adopter les uns par rapport aux autres, les émotions, les différences, la tolérance, l’acceptation, etc.
Il est important que la santé mentale des jeunes soit prise en compte, surtout que la première cause de décès chez eux est le suicide.
J&L : Les formations EVRAS répondent-elles à un besoin spécifique en Région bruxelloise ?
D. W. : Oui, il y a un besoin en Région bruxelloise et je dirais même, je mets les pieds dans le plat, plus grand qu’en Région wallonne ou en Flandre. Nous avons quand même beaucoup de familles très conservatrices. Dans certaines écoles, quand les formations EVRAS sont données, la moitié de la classe est subitement malade. Cela me pose problème. Il y a des courants religieux qui ne permettent pas d’aborder certaines questions.
Je ne trouve pas non plus acceptable que dans certains quartiers ou dans certaines classes, en secondaire, la moitié de la classe soit partie quand on aborde la question de l’IVG, de l’homosexualité, ou encore de la contraception et des maladies sexuellement transmissibles. Tout en respectant les choix religieux ou les idées de chacun, l’École est aussi là pour, entre autres, poser un cadre ou répondre à des questions.