
Alors que la réforme du secteur de l’Accueil Temps Libre (ATL) commence à se dévoiler, Jeunes & Libres a décidé de vous présenter Violaine Herbaux. Échevine de l’enseignement, de la petite enfance et de l’accueil extrascolaire, elle est également conseillère santé à la présidence du Mouvement Réformateur et présidente du conseil d’administration de l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE).
Son master en communication et information en poche, Violaine Herbaux s’est rapidement tournée vers le monde politique pour y démarrer sa carrière professionnelle, en tant que conseillère politique en matière de santé auprès de la présidence du Mouvement Réformateur. Son premier engagement au service de la collectivité a lieu en 2012, lorsqu’elle rejoint le conseil communal de Silly, commune rurale du Hainaut, dont elle devient échevine de l’enseignement, de la petite enfance et de l’accueil extrascolaire en 2017. Cette même année, elle fait son entrée au conseil d’administration de l’ONE, dont elle devient présidente en 2022.
Jeunes & Libres : Qu’est-ce que l’ONE? Quel est son champ d’action?
Violaine Herbaux : L’ONE est une organisation qui a plus de 100 ans d’existence et qui s’occupe principalement de l’accueil de la petite enfance, mais aussi, et surtout, et cela, on en parle moins, de la santé préventive chez les enfants. Et ce, depuis le suivi prénatal aux consultations pour enfants jusque 6 ans. L’ONE subventionne et coordonne également ce qui relève de “l’extrascolaire”, tels queles écoles de devoirs et l’accueil temps libre dans les écoles. Enfin, il existe toute une branche “SOS enfants” où l’on retrouve beaucoup de partenariats avec l’Aide à la jeunesse pour ce qui concerne les difficultés plus familiales, de précarité, de violence, etc.
Ces dernières années a été développée toute une série de soutien à ce qu’on appelle la parentalité, avec la mise en place, par exemple, de lieux de rencontre parents-enfants quand il y a des problèmes d’ordre familiaux. Ou encore de structures appelées “Espace parents dans la séparation”,. Qui accompagnent les parents rencontrant des difficultés dans leurs parentalités.
Tout cela se déroule sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
J&L : Quel est votre rôle en tant que présidente du conseil d’administration ?
V. H. : Il n’y a pas de description de fonction, c’est un peu comme un échevinat, on apprend dans la fonction. Je dirais que mon rôle est de m’assurer en premier lieu que le comité de direction fonctionne comme il le devrait, que chaque directeur puisse être en pleine possession de ses moyens pour développer et répondre à tout ce qui est repris et inscrit dans le contrat de gestion qui est la “feuille de route” de l’ONE définie par le Gouvernement de la FWB. Il comprend les différentes mesures et les différents projets à mener.
Une première difficulté pour moi a été de “m’imprégner” du contrat de gestion, car ce n’est pas moi qui l’ai négocié, mais mon prédécesseur, Thierry Wimmer.
Le second rôle, tout aussi important, est de représenter l’ONE dans différentes instances, dans des colloques, des conférences.
Enfin, j’essaie de faire le lien entre le conseil d’administration et le terrain pour que le CA soit au plus proche des réalités de terrain, du travail de nos collaborateurs. Je veux avoir le plus de contacts au sein de l’administration, au sein des travailleurs et d’y voir comment fonctionne l’ONE de l’intérieur, sans passer systématiquement par le comité directeur. Je considère que ce n’est pas sain de n’avoir qu’un seul interlocuteur et qu’un seul angle de vue. Bien entendu, il m’est impossible de connaître tout le monde

J&L : Aller sur le terrain, c’est aussi une manière de se former…
V. H. : Une matière que je connaissais moins au moment de ma prise de fonction c’était la santé préventive au sein de l’ONE. Je connaissais beaucoup plus la petite enfance et l’ATL de part mon mandat d’échevine même si, là aussi, il ne faut pas tout résumer à ça. Je suis donc allée à la rencontre de cinq équipes un peu partout dans les différentes provinces de Wallonie et en Région bruxelloise. Cinq est un petit échantillon, mais il s’agissait de situations différentes, en consultation prénatale, en consultation pour enfant, au sein d’un quartier urbain ou au sein d’un hôpital. J’ai pu y constater les difficultés, rencontrer les équipes, leur travail, leurs besoins, la façon d’améliorer le service, etc.
J’ai été heureuse de constater que cela se passait bien néanmoins, de rencontrer des personnes investies dans leurs missions et qui pouvaient réaliser leur travail.
J&L : Et vous, qu’est-ce qui vous motive à vous investir autant ?
V. H. : La lutte contre l’injustice, en particulier quand cela concerne des enfants qui par définition, eux, n’ont jamais rien demandé et se retrouvent à vivre dans des situations, malheureusement, de précarité compliquée.
Je vais donner un exemple qui m’a marqué. Il s’agit d’une visite de terrain que j’ai effectué du côté de Chimay, avec une équipe, dans le camping du Val d’Oise. J’y ai vu une réalité que je ne pensais pas découvrir en Belgique. . J’ai vu des enfants vivant avec leurs parents dans des campings, dans des caravanes qui font la taille d’une petite pièce. Toute la famille y dormait, dont un bébé de cinq jours, dans des conditions d’hygiène très compliquées. En hiver, les canalisations d’eau sautent et il n’y a donc pas d’eau courante Les enfants ont peu d’activités et restent de longues heures devant la télé…
Pour moi, l’ONE réalise de belles missions. Ce ne sont pas des solutions miracles qui résolvent toutes les situations, mais assurer la santé préventive, mettre à disposition des milieux d’accueil, etc. est très importants à mes yeux.
J&L : Est-ce que cela fait écho à ton engagement libéral ?
V. H. : Oui, tout à fait. J’étais présente la semaine passée à une conférence où je rappelais que si on veut, à un moment, rompre le schéma de la précarité, de la reproduction générationnelle de chômage, alors il faut sortir les enfants de ces environnements familiaux de précarité néfastes. Il y a plein d’études qui montrent combien un enfant a besoin qu’on lui parle pour son développement du langage, a besoin de pouvoir bouger pour sa psychomotricité, etc. Il faut pouvoir lui donner les meilleures chances. L’ONE apporte une pierre à l’édifice, c’est un levier pour essayer de faire en sorte que ces enfants puissent sortir des milieux précarisés. L’ascenseur social, ça part dès la petite enfance.
J&L : Un coup d’accélérateur a été mis à a réforme de l’Accueil Temps Libre récemment. Cette réforme concerne directement l’ONE. Que pensez-vous, en tant que présidente de son conseil d’administration, de cette réforme ?
V. H. : J’ai pris, comme vous, également connaissance de la note d’intention du Cabinet de la ministre Linard (ministre de tutelle de l’ATL, NDLR). Je la trouve trop peu ambitieuse pour ce que l’on peut espérer d’une réforme. Elle ne répond pas aux principaux besoins exprimés par les secteurs de l’ATL, qui ont justement publié une carte blanche et à la suite de laquelle la ministre a fait marche arrière sur sa réforme.
le cabinet a avancé vraiment très longtemps tout seul et a fait mine de concerter en rassemblant leurs différents groupes de travail. Je regrette que l’ONE n’ait pas été davantage entendue. Il y a d’ailleurs eu un sentiment général de la part des acteurs de ne pas être suffisamment entendus et des déceptions.
L’une des priorités pour l’ONE est de désigner, dans le cadre de l’ATL, des responsables de projets au sein des communes, de manière à mieux coordonner les équipes sur place et à créer une dynamique positive avec l’ensemble des institutions accueillantes de l’extrascolaire. Il faut également, si les budgets le permettent, créer une stabilité dans l’emploi pour organiser un accueil extrascolaire de qualité avec de vrais contrats de travail et non pas reposer autant sur le bénévolat. Il faut également soutenir la formation continue pour les travailleurs du secteur. Nous faisons face à des profils très variés et de formations inégales.
Pour finir, je suis convaincue que cette réforme-là doit être pensée en même temps que la révision des rythmes scolaires journaliers afin de rendre l’ATL véritablement complémentaire de l’école.
C’est ausside pouvoir renforcer les moyens des écoles des devoirs pour qu’elles puissent accomplir l’ensemble de leurs missions. Elles peuvent clairement apporter un plus aux études dirigées en apportant leur dimension socioculturelle que les études n’ont pas et ainsi renforcer les objectifs de l’école dans toute sa dimension sociale, d’activités ludiques, etc. Il y aurait un compromis à trouver entre les parties, bien entendu.

J&L : Votre mandat d’échevine constitue un autre engagement important de votre part. Qu’est-ce que représentent des matières aussi importantes que l’enseignement, la petite enfance et l’accueil extrascolaire pour une commune rurale comme Silly ?
V. H. : Silly compte 8.500 habitants, six écoles communales dont une pratique l’immersion linguistique néerlandaise, une école libre, deux crèches communales et un service d’accueillante d’enfants. Cela représente une part importante de notre budget communal, d’autant plus que cela représente aussi une organisation logistique non négligeable. Nous devons également réaliser des investissements dans les infrastructures scolaires, d’accueil et sportives.
C’est toujours un challenge d’avoir suffisamment d’élèves, dans une commune comme Silly, pour ouvrir six écoles avec des sections maternelles et primaires. C’est un challenge d’autant plus qu’il y a une dénatalité, une diminution de la natalité d’environ 10% dans les communes depuis de nombreuses années.
Pour répondre à ce challenge, nous devons aussi trouver des projets pédagogiques qui font la différence. Voici la raison pour laquelle nous avons lancé l’immersion en néerlandais, que nous développons aussi tout doucement dans une de nos écoles des pédagogies dites actives et favorisons « l’école du dehors ». La commune a également investi dans un bus communal de manière à pouvoir véhiculer facilement les élèves pour les sorties à la piscine, à la salle de sport, pour les sorties culturelles et ludiques.
Ces investissements nous servent en plus à être davantage attractifs que les communes voisines et en particulier, l’enseignement néerlandophone, car nous sommes proches de la frontière linguistique. Mais ils permettent également de faire vivre, d’une certaine manière, notre communale rurale en y « conservant » une population jeune. Ainsi, nous disposons d’un taux de couverture pour la petite enfance de 48%, au lieu des 35% de moyenne (48 places d’accueil pour 100 enfants en bas âge, NDLR).
J&L : Estimez-vous rencontrer davantage « d’obstacles » dans une commune rurale par rapport à une commune urbaine ?
V. H. : Je ne parlerais pas d’obstacles, mais, en effet, nous faisons face à une difficulté qui est la mobilité pour sortir de notre commune. C’est la raison pour laquelle nous disposons d’un bus communal. Nous avons également développé un service d’accueil centralisé pour l’accueil extra-scolaire du mercredi après-midi. Il s’agit du projet « Récréakid’s » qui rassemble, grâce au bus communal, les élèves des 6 implantations sur 2 implantations. Les activités proposées sont de cette manière plus variées et plus qualitatives.
Mais moi, je vois plus d’atouts que de difficultés. Nous avons un cadre et un environnement de qualité, luxuriant, qui peut être mis au service du développement des enfants. Nous pouvons leur faire découvrir la faune et la flore, notre patrimoine, nos producteurs locaux, etc.
