
A partir de janvier 2017, les six Organisations de Jeunesse politiques flamandes ne recevront plus de financement public. Cette décision, prise par le Ministre flamand de la jeunesse, Sven Gatz (Open VLD), pose question.
Qu’en sera-t-il de l’indépendance de ces jeunesses politiques par rapport à leur parti-mère ?
Ceci nous a amené à nous interroger sur la façon dont s’organise la politique jeunesse en Flandre et en quoi celle-ci diffère de celle qui est menée en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Bien que la politique jeunesse soit une compétence communautaire, et qu’ il existe dès lors des différences entre communautés, l’approche globale est relativement similaire.
Deux politiques, une philosophie similaire
De manière générale la conception des politiques jeunesses menées au Nord et au Sud du pays est assez semblable. En effet, celles-ci se concentrent sur les jeunes jusqu’à 35ans et octroient une autonomie importante aux acteurs de terrain en contact direct avec les jeunes.
Importance de l’échelon local
Les politiques jeunesses en Fédération Wallonie-Bruxelles (anciennement Communauté française) et en Communauté flamande accordent toutes deux une attention particulière au principe de subsidiarité. Ainsi, les pouvoirs publics délèguent la plupart des responsabilités clés aux associations actives au niveau local. En FWB, ce cadre repose sur la coexistence de trois acteurs majeurs : le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ses pouvoirs publics (en particulier, le Service Jeunesse) et un large éventail d’associations regroupant professionnels et bénévoles.
En Flandre, ce rôle est dévolu aux conseils de la jeunesse au niveau communal et provincial. Ceux-ci ont pour but de stimuler la participation directe des jeunes dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de jeunesse. Les autorités locales et provinciales doivent disposer d’un conseil de la jeunesse si elles veulent que leur politique de jeunesse soit financée par le Gouvernement flamand. Dans la pratique, le rôle joué par les conseils locaux de la jeunesse est limité et ce, notamment en raison du manque de communication avec les organes nationaux.
En Flandre, le concept de « quartier » représente également une notion importante en matière de travail en faveur de la jeunesse. Le quartier constitue en effet l’environnement le plus proche des jeunes et il conditionne considérablement leur intégration dans la société flamande.
De nombreux acteurs impliqués
Le travail en faveur de la jeunesse est décliné et orienté par le Ministre de tutelle. Au Nord et au Sud du pays, ce travail s’effectue sur base d’une note d’orientation politique présentée en début de législature et engageant l’ensemble des membres du Gouvernement. Que ce soit en Flandre ou en Fédération Wallonie-Bruxelles, culture et jeunesse sont intimement liées. En Flandre, le Ministre de la jeunesse a également la culture dans ses attributions tandis qu’en FWB, c’est au niveau de l’administration que le lien s’opère, le Service Jeunesse faisant partie intégrante de l’Administration générale de la Culture.
Outre le Ministre en charge de la compétence jeunesse et l’Administration, de nombreux autres acteurs interviennent également, de part et d’autre de la frontière linguistique, dans le processus de définition des politiques de jeunesse. Parmi ceux-ci, les organes consultatifs jouent un rôle important dans ce processus. Comme organes communs, on retrouve le Conseil de la Jeunesse d’Expression française ainsi que le Vlaamse Jeugdraad (Conseil flamand de la jeunesse). Ces deux structures représentent les jeunes et le travail en faveur de la jeunesse au niveau de chaque communauté. Le rôle des Conseils est de fournir des recommandations politiques sur les questions en lien avec la jeunesse, de son propre chef ou sur demande du gouvernement.Une particularité propre à chaque communauté est la structure organisationnelle générale du Secteur Jeunesse qui varie d’un bout à l’autre du pays.
Au nord, le système est très structuré et règlementé par plusieurs décrets définissant notamment les conditions pour pouvoir bénéficier de subvention. Les acteurs au niveau local sont : les JAC (centres consultatifs pour les jeunes) ; les Services de Jeunesse ; les Clubs de jeunes ; les Mouvements de Jeunesse ; les JIP (points d’information pour les jeunes) et les Conseils de la jeunesse. Au sud, plusieurs décrets déterminent la mise en œuvre de la politique de jeunesse au niveau local, par les Organisations de Jeunesse et les Centres de Jeunes.
Quid des Organisations de Jeunesse reconnues ?
S’il existe plusieurs similitudes dans l’approche philosophique de la jeunesse entre le Nord et le Sud, les deux communautés ont toutefois certaines particularités en la matière. En ce qui concerne la finalité des Organisations de Jeunesse, la FWB se veut très claire en posant une finalité clairement définie qu’est la formation de CRACS. La Flandre reste quant à elle beaucoup plus évasive sur le sujet. La Fédération Wallonie-Bruxelles définit les Organisations de Jeunesse comme des associations qui visent à « favoriser le développement d’une citoyenneté responsable, active, critique et solidaire chez les jeunes par une prise de conscience et une connaissance des réalités de la société, des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique ainsi que la mise en œuvre et la promotion d’activités socioculturelles et d’Education permanente ».
La Communauté flamande les définit pour sa part en ces termes : « Association sans but lucratif qui, conformément à ses objectifs – tels qu’énoncés dans ses statuts – et à ses activités, effectue un travail en faveur des jeunes dans au moins quatre provinces de la région linguistique néerlandophone ou de la Région bilingue de Bruxelles-Capital ».En Flandre, les mouvements de jeunesse occupent historiquement une part prépondérante dans le travail en faveur de la jeunesse. Ceux-ci sont perçus comme « le troisième pilier de la socialisation » car ils contribuent à l’éducation des jeunes en-dehors du cercle familial ou de l’école.
Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les mouvements de jeunesse constituent un des cinq types d’Organisations de Jeunesse reconnus par le décret et occupent une place relativement importante dans le secteur, en raison du nombre de leurs affiliés. Il existe également en Flandre d’autres types d’organisations dont l’action se situe au contact des jeunes.
99 OJ en Fédération Wallonie-Bruxelles / 66 en Flandre
En Fédération Wallonie-Bruxelles, il existe actuellement 99 associations reconnues comme Organisations de Jeunesse.En Flandre, 66 associations « nationales » pour les jeunes perçoivent des subventions: parmi celles-ci, certaines se sont vues reconnaître un statut particulier. En effet, le législateur a décidé, de charger quelques organisations de certaines tâches spécifiques : par exemple, l’ASBL JINT (instance de coordination du travail de jeunesse), créée pour lʹapplication du programme européen en faveur de la jeunesse au sein de la Communauté flamande, et le Steunpunt Jeugd (centre de soutien pour la jeunesse), qui a pour mission de soutenir lʹensemble des partenaires impliqués dans le travail auprès des enfants, des jeunes et leurs organisations.
A noter, qu’il existe également d’autres organisations reconnues :
- Outre les associations dites « nationales », le décret identifie 11 associations spécialisées dans l’éducation culturelle, qui visent à améliorer les compétences culturelles des jeunes et à stimuler leur créativité ;
- 25 associations spécialisées dans la participation et l’information, dont l’objectif est d’encourager la participation des jeunes et de répondre à leurs besoins en matière d’information ;
- Le décret prévoit également l’octroi de subventions (pouvant s’élever jusqu’à 50.000 euros) à des associations qui n’appartiennent à aucune des trois catégories précédentes, afin de soutenir les projets artistiques, les initiatives de travail expérimental en faveur de la jeunesse, les projets stimulant la participation et l’information des jeunes, ainsi que les initiatives internationales.
Financement
Que ce soit en Flandre ou en FWB, le secteur est régi par un cadre règlementaire, à savoir une série de décrets qui définissent notamment les conditions pour pouvoir bénéficier de subventionnements.En Flandre, ces organisations perçoivent des subventions structurelles de base (55.000 euros par an) sous forme de subventions gouvernementales. De plus, selon un programme prédéfini, elles peuvent également bénéficier de subventions variables pour des activités spécifiques.En FWB, les OJ perçoivent une subvention annuelle de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Cette subvention se divise en deux parties :
- Un montant forfaitaire destiné à couvrir tous (ou en partie) les frais de fonctionnement de l’association. Il s’agit du subside que l’on qualifie traditionnellement du subside « Fonctionnement » ;
- Un montant destiné à couvrir les frais liés d’emploi. On évoque généralement cela comme le subside « emploi ».
Par ailleurs, les OJ peuvent bénéficier de moyens de subventionnements
supplémentaires notamment via les détachements pédagogiques ou encore via la
Circulaire de Soutiens aux Projets Jeunes.Aussi bien au Nord qu’au Sud du pays,
les organisations sont confrontées à une certaine insécurité en ce qui concerne
leur personnel (animateurs) et leurs ressources financières. Le problème se
pose également au Sud du pays où le secteur, qui représente une faible part du
budget global de la FWB, repose fortement sur le travail fourni par les
bénévoles actifs au sein des associations.
Pour conclure, au-delà d’une structure règlementaire et organisationnelle différente, la philosophie de travail dans le Secteur Jeunesse menée au Nord et au Sud du pays est assez proche. En réalisant cet article, nous avons constaté qu’il n’existe que très peu de contact en la matière entre les deux communautés. En partant du constat que les réalités et les besoins de la jeunesse en Flandre et en Fédération Wallonie-Bruxelles sont relativement proches, pourquoi ne pas envisager davantage de synergies entre ce qui est mis en place de part et d’autre de la frontière linguistique ?
Pour en savoir plus sur le sujet : Conseil de l’Europe, La politique jeunesse en Belgique « C’est plus compliqué que ça ».